« La balade du temps passé »
articles publiés par « Popel » (Prosper Mouchet) correspondant du journal Sud-Ouest de 1952 à 1989
3 Février 1987
Au Moyen Age, la ville de Sauveterre (nom antique Salva Tierra) était avec Orthez, Morlaàs, Lescar et Oloron, l’une des places fortes du Béarn.
Mœurs frustes, jugements expéditifs, violences, misères étaient le lot de ces siècles passés. L’histoire ne se renouvelle-t-elle pas sous d’autres formes ? La vie rude de jadis peut, sous certains angles, être comparée à l’existence actuelle. Les archives de la ville nous l’indiquent. Voici par ordre chronologique les « faits divers» depuis le XIIe siècle à nos jours… Nous rendons un hommage posthume à l’historien Prosper Minvielle, ancien maire de la ville, qui, jadis, nous aida et nous guida dans cette recherche des écrits du « temps passé ». Signé Popel
An 1230 : l’église fortifiée. Elle est terminée et sa construction a duré… 100 ans. ! affirme le chroniqueur. Bien des compagnons y ont laissé leur âme pour la plus grande gloire de Dieu : « De son donjon les guetteurs surveilleront aisément l’Espagnol et le Basque rebelle. » A noter que plus tard, ce donjon (le clocher actuel à la tour carrée) fut coiffé d’un toit, bien des fois refait et modifié, dont encore il y a 35 ans, (années 50) par les soins des beaux-arts.
Juin 1276 : sous l’oriflamme de Saint-Denis. Philippe le Hardi, roy de France, rassemble ses troupes en vue d’envahir l’Espagne. Nanti de l’oriflamme de Saint-Denis, il réunit à Sauveterre une armée de Trois cents mille hommes (chiffre formidable pour l’époque, à moins que le chroniqueur ne se soit trompé d’un zéro, trente mille étant déjà important !) Quoi qu’il en soit, il ne put assurer la subsistance de son armée, laquelle après avoir pillé les campagnes entourant Sauveterre, fut obligée de se disperser à l’entrée de l’hiver, laissant le peuple du Béarn ruiné, « dans grande famine et rancœur ».
Novembre 1290 : « Afin que la race subsiste ! ». Le dernier prince de la dynastie des Moncade, Gaston VII, tombe gravement malade à Sauveterre. Sentant sa fin proche, il lègue 10 000 sols à la ville et à celle d’Orthez, afin que les filles des nombreuses veuves (du fait des guerres) puissent doter leurs filles et ainsi les marier.
Janvier 1378 : vignette pour la guerre. Gaston Phoebus « mobilise » Sauveterre. Les importants personnages et marchands de la ville équiperont en armes suivantes : arcs, épée, pieu, hache et bouclier les troupes du prince, et toute la population est imposée, selon ses moyens, à une contribution financière exceptionnelle.
Avril 1462 : visite royale. Louis XI, presque seul. (il était accompagné de son inséparable Olivier le Daim et Tristan l’Hermite. Faisaient également partie de sa suite, le capitaine Dunois, le cardinal La Balue et l’astrologue Martivalle), sans grande escorte, sans dépense, vêtu comme un pauvre pèlerin, de grosses patenôtres de bois autour du cou, vient à Sauveterre et séjourne au château (qui fut plus tard celui de la reine Jeanne). Il fait tenir en permanence, en signe d’amitié, l’épée baissée à son écuyer Garguesalle. Il aura une entrevue historique avec le roy d’Aragon, sur le pont d’Osserain tout proche, séparant Béarn et Pays Basque. Visite qui aura un grand retentissement, car le roy de France est rusé et madré. Cela est une autre histoire…
Juin 1512 : « A qui le cadeau ? ». Jean d’Albret est excommunié par le pape Jules II, ce qui glace d’effroi la population, d’autant plus que le Saint-Père a déclaré : « Le pays devant appartenir au premier occupant ». Or, l’Anglais est dans la Soule proche et l’Espagnol haï. Que de transes !
Mai 1523 : tels les héros antiques. Le prince d’Orange, âgé de 21 ans, attaque Sauveterre avec de considérables moyens. La défense dirigée par le baron de Miossens, est farouche, on se bat au corps à corps à l’épieu et à la hache. Au deuxième assaut la ville est prise. Mais, quelque temps après, le baron de Miossens, s’introduit par un souterrain (qui passe sous le gave et part de la cave Candau mais est éboulé), dans la ville à la faveur de la nuit. Et, avec soixante hommes seulement, il massacre la garnison laissée par l’occupant, et reprend la ville.
Année 1538 : « Où sont les palombes d’antan ? ». Les droits de péage du pont de Sauveterre sont appliqués aux objets suivants : pièces d’étoffe, barres et lingots d’or, cuivre, étain, fers de lance, cheptel, charges de palombes, livres (sauf bréviaires ou livres de mâtines). Ainsi une charge de palombes doit payer quatre deniers ou deux palombes pour traverser le pont.
Année 1569 : « Au saint nom de Dieu ! ». Les basques voisins, commandés par Valentin de Domezain, « afin d’extirper l’esprit Parpaillot », s’emparent de la ville et y commettent mille atrocités, brûlant, pendant et violant. Quelques jours après, ce sont les Huguenots qui font subir le même sort à la cité. Ils pillent, violent, pendent le prieur des Carmes, et précipitent les moines dans le puits du couvent.
Février 1570 : « Prier en français » - Malgré le froid (indique le chroniqueur) le prince Henri (futur Henri IV) a encore couru la campagne avec le fils d’un manant, Jacques de Bésiade. « Nous aimons ma reyne Jeanne et son fils mais elle veut nous obliger à prier Dieu en français ! »
Janvier 1585 : « Avant Buffalo Bill », - On place des bornes pour délimiter le Béarn du Pays Basque, car des contestations ne font qu’opposer en rixes meurtrières Béarnais et Mixains. Le cours d’eau le Lauhire, servira de séparation. Cet accord commun ne sera que feu de paille. Basques ou Béarnais continueront à être blessés ou assassinés sur la « frontière ». On en trouvera mention dans les archives encore un siècle plus tard !
Mai 1586 : cartes de rationnement. – Depuis des semaines, des pluies torrentielles se sont succédé. On parle de nouveau déluge, les ponts sont emportés, les chemins impraticables. Les réserves de la ville sont faibles et la famine menace. Les jurats imposent un sévère rationnement. Une miche de pain pour dix personnes tous les deux jours ! Mais dès juillet, la récolte de blé est splendide, mettant fin à cette épreuve.
Octobre 1592 : « et s’ils étaient innocents ? »- Dénonciation aux jurats de deux femmes et d’un homme du « bourguet de Pannecau » soupçonnés d’avoir jeté un mauvais sort à un troupeau (certainement décimé par une épidémie). On les prend, et, après un simulacre de procès, devant une foule en hystérie, ils sont conduits à la potence de l’île de la Glère et pendus. Puis, la nuit tombée, on brûle leurs corps. Jugement expéditif. « Le démon était en eux » (dit le chroniqueur).
Mars 1594 : âge d’or pour les marchands. – Au marché de Sauveterre qui fixe les cours pour la région, c’est l’inflation des prix. Exemple : le froment a atteint le cours de 4 francs la mesure et le millet 3,5 F. hors de prix pour le commun du peuple
Janvier 1595 : cherchez la femme – Drame conjugal : Jean de Lahort, séparé de sa femme et voulant la revoir, s’introduit chez elle. Il reçoit un coup de couteau et en meurt. La tête de la meurtrière tombe sur le billot le 12 février. On ne perdait pas de temps !
Octobre 1599 : non à la baisse ! – Récolte exceptionnelle de souvenance d’homme. Le blé se vend à 2 francs la mesure, alors que le prix le plus bas jamais connu avait été de 44 sous ! Le jus de la treille, lui, se livre à 12 ardits le pichet, alors qu’il en valait 18 !
15 mai 1601 : suivez le bœuf ! – Après l’année d’abondance, voici celle de la famine. Le froment à Labastide vaut 9 francs la mesure. Trop cher pour en acheter. Faute de pain, on se nourrit de viande, abattant bœufs, vaches, porcs, chèvres et volailles. Puis, le bétail venant à manquer, de nombreux pauvres gens tombent d’inanition, certains meurent de faim dans leurs maisons ou par les chemins.
Octobre 1601 : manque d’entretien. – Pour fêter la naissance du Dauphin, il est ordonné des salves d’artillerie depuis l’Esbounit (Place des Tilleuls). Mais, au premier coup, le canon éclate !
14 mai 1602 : salutaire leçon. – Il usait pour ses maléfices d’un crapaud attaché par une patte à une baguette de noisetier fixée au toit de sa maison… C’est le sorcier d’Aspis, qui, malgré ses dénégations est condamné et brûlé deux jours plus tard en présence de « moult gens du peuple et bourgeois ». Ses cendres sont jetées au vent.
28 Janvier : intempéries. – Le 28 janvier 1605, meurt le sieur Haurie, âgé de 115 ans. Il avait vu « toutes les guerres »
28 août 1610 : liberté d’expression. - Dix mille « Mouscados » (Maures) chassés d’Espagne, traversent la ville. Ils sont dans un état pitoyable. La charité publique se manifeste en leur faveur. Le bon Roy Henri, qui a donné « la France au Béarn » a été assassiné de deux coups de couteau par Francis Rabohald (orthographe de Ravaillac dans le texte. Le peuple est dans la tristesse. Un chroniqueur écrit « Notre bon roy, qui avait un tas d’enfants de sa femme et fait des bâtards aux autres, est mort. »
Février 1612 : pour nourrir les Tocans. – Construction de la halle neuve. Le cagot Guillaume est chargé de la charpente. Les cagots étaient tenus à l’écart. La répulsion de la population s’explique par le fait qu’on les disait atteints de la lèpre. Le 15 mars 1612, le gave dépose à la plage du moulin de Lahens, le cadavre d’un cagot de Laàs qui s’était noyé. Personne ne voulut enterrer le corps et il fut repoussé au fil du courant.
Novembre 1613 : de cape et d’épée. – Une scène qu’on croirait extraite d’un roman d’’Alexandre Dumas ou de Paul Féval : rude, violent, acharné, un duel oppose quatre nobles de Sauveterre dont la devise était « jusqu’au bout ! ». De fait trois restèrent sur le carreau.
Janvier 1616 : Patinage sur le gave. - L’hiver était tellement rigoureux que les loups vinrent au pied des remparts, et que le gave gela du moulin de Lahens à celui de Bourroumbe. (Il faut croire qu’il fit un froid exceptionnel car le même événement n’a jamais été mentionné depuis.
Henri IV est mort. Nous sommes sous Louis XIII, descendant dans cette balade, à travers les vielles archives, vers notre XXe siècle. Rappelons nos sources : recherches de Henri et Anne Minvielle, de l’écrivain Henri Valentino, et, essentiellement, « l’Histoire de Sauveterre » de Prosper Minvielle qui, par ailleurs, nous guida et nous orienta, nous faisant partager sa passion pour le riche passé de sa cité.
14 avril 1617 : retour au bercail. – Jacques de Bésiade, né à la rue Maubec, fils d’une humble famille et compagnon de jeux du jeune Henri IV à Sauveterre, était devenu par la suite valet de chambre du Roy. On l’appelait à la cour « Monsieur de Sauveterre ». Il rentre au pays natal « en bel équipage et coffres bien garnis, très gardés ». Il apporte en son pays natal la nouvelle de la mort de Concini, maréchal d’Ancre, pendu « la tête en bas » à une potence qu’avait fait dresser pour cet usage spécial l’Intrigant florentin.
16 novembre 1618 : la fin des temps. – Une comète apparaît : durant deux mois, elle brille au firmament, la tête du côté de Sauveterre et la queue vers Navarrenx. C’est une grande peur dans la vallée du Gave. Les gens alternent ripailles, dévorant notamment les porcs qu’ils avaient engraissés pour leurs provisions, avec maintes beuveries et invocations et lamentations dans les églises car c’est le signe de la fin du temps. La comète redoutée disparaît une belle nuit : la colère du peuple, malgré le grand soulagement, se déchaîne vers les prêtres, on les malmène car « ils ont mal interprété l’Evangile selon Saint Jean et l’Apocalypse ! ».
Février 1620 : attention royale. – Le roi Louis XIII vient en Béarn, à Sauveterre et Navarrenx, donner comme garnison – avec charge de participer à l’entretien- quatre compagnies du régiment de Champagne à notre ville, et six à nos voisins navarrais. Les taverniers furent enchantés, mais les populations eurent grise mine devant ce « bienfait royal », pour cause de charges alourdies. (Contrairement à ce que l’on peut croire, il n’y avait pas que la dîme. Outre les impôts supplémentaires, déjà lourds, les « contributions exceptionnelles » comme celle-ci-dessus, étaient annuellement renouvelées).
10 janvier 1639 : aubaine inespérée ! – Pénurie de bourreau : les jurats constatent que nul ne veut plus accomplir cet office, et, pourtant, si le poste est mal rétribué, on ne peut se résoudre, après maintes discussions, à donner davantage. Une solution qui prévaudra : puisque nul candidat ne veut occire Daniel de Navarette, dit Biron (enfermé au cachot de la tour Montréal), condamné à être roué puis pendu au gibet de « las yustices », on va le sonder pour savoir s’il consent à remplir cet office, en échange de sa grâce pleine et entière. D’autant plus que lui ne coûtera rien ! Le -condamné accepta- on pouvait s’y attendre- et devint le nouveau maître des hautes œuvres de la ville !
14 Janvier 1644 : l’entretien des corps. Mgr de Sourdis (archevêque de Bordeaux), aussi guerrier que prélat, apôtre de la chasse à la sorcellerie, s’est notamment distingué pour cela en Médoc et Pays Basque. Ce qui l’amène à Sauveterre est autre chose : rappeler les jurats à l’ordre car ils nourrissent mal les troupes du roy. Si à l’arrivée du prélat un « Te Deum » solennel à Saint-André de Sauveterre eut les faveurs de la population, c’est dans une hostilité glaciale qu’il se retira. On conçoit que les gens de la vallée des Gaves, lourdement imposés par l’entretien des troupes, lui firent reproche de s’intéresser à l’entretien des corps avec une aussi égale vigueur qu’à celui des âmes. Le peuple était lassé de moult deniers pour ripailles et ribaudes (filles de joie) de la troupe », dit le chroniqueur.
18 Juin 1656 : afin que l’on s’y retrouve. Par décision des jurats, les rues sont nommées : de la Fontaine, des Innocents, Maubec, du Bourg-Mayou, de Pampelune, de Sordes, du Dessus et d’Aspis. Les quartiers : de Sauterisse, Dous Pelans, de Saint-Marc, de Las-Gourgues, de Las-Indoles, de Pannecau.
Août 1666 : du solide et durable. On inaugure en grande pompe un bel immeuble, construit face au cimetière (désaffecté depuis longtemps devenu la place des Salières) et édifié à l’ombre de l’église. Il est la propriété nouvelle de Jehan de Vic, avocat au parlement de Navarre. Cette maison somptueuse « de pierres d’Orriule, bâtie par les compagnons » fait l’admiration de tous. (La maison existe toujours, est la propriété actuelle de la famille Gaucheron, et porte gravée dans la pierre, au-dessus de l’une de ses portes : « Jehan de Vic me fit ».
10 Mai 1677 : manifester son existence. Un recensement de la population est ordonné par autorité royale. Les jurats de la ville informent le seigneur d’Andrein qu’il devra avertir « porte par porte », les habitants des paroisses d’Andrein, d’Orriule et d’Orion, afin qu’ils se rendent à Sauveterre pour faire « monstre et revue ». Une subvention a été octroyée pour le loyer de la Maison de la ville, 10 écus à peine. Ce sera un scandale : une fuite (elles existaient déjà) dévoilant que les jurats chargés du recensement ont détourné chacun pour leur travail 22 écus à leur profit ! « La ville est toute retournée de ce vol manifeste ! », dit la chronique…
Juin 1677 : le droit du maître. Le recensement vient d’avoir lieu. Il est fait rappel par les seigneurs d’Andrein et de Munein, par entremise des jurats, d’une coutume non abolie : « Lorsque quelque habitant des maisons récemment recensées se mariera, il est tenu, avant de connaître sa femme charnellement de la présenter la première nuit à son seigneur. Celui-ci en fera à son plaisir, on pourra selon son gré exiger un tribut. Pour les enfants engendrés par la suite, les parents devront payer une certaine somme d’argent, sauf si dans l’année, le premier est un enfançon mâle, car il pourrait être engendré des œuvres « dudit seigneur dans la première nuit de son susdit plaisir » (!)
20 Avril 1685 : détruire à jamais l’hérésie. On excite le peuple contre les gens de la religion réformée, coupable, imaginaires de maints méfaits : sur les instructions de l’intendant Foucault, l’église de Saint-Gladie, devenue temple protestant est rasée ; « Ainsi les hérétiques ne pourront plus se réunir et comploter ! » Grande pitié dans le peuple, car quelques jours après la révocation de l’Edit de Nantes, beaucoup de huguenots durent s’exiler. La tour carrée qui sert de cloche à l’édifice ne fut pas touchée et dans les quinze ans qui suivirent, l’église accolée à celle-ci est consacrée au culte catholique, fut reconstruite. C’est à ses pieds que s’érige la tombe de l’académicien Léon Bérard.
16 Août 1691 : réquisition. - Les villes de Sauveterre et d’Oloron ont huit jours pour envoyer trente charpentiers à Bayonne, afin de construire des vaisseaux pour le Roy. La Sénéchaussée de Sauveterre n’en ayant que douze, complète l’effectif avec trois charpentiers de Salies et cinq de Navarrenx.
Juillet 1697 : « la victoire en dansant ». – On annonce la prise de la ville de Barcelone, et une grande fête est organisée en cet honneur. Nous enregistrons dans la dépense : « Trois livres au Tambour de ville Jacoulet, pour avoir battu la quaise trois jours de suite » et « 18 livres, 10 sols aux musiciens pour despenses de violons ». La « Despense » pour étancher la soif de la troupe et des « Bonnes gens et dames » fut payée par « Bourgeois et autres marchands » qui firent couler du vin d’une fontaine. Manants et paysans autorisés en firent « moult usage » !
30 novembre 1714 : nos hôtes. – La reyne d’Espagne, Elisabeth s’arrête à Sauveterre et descend à « La Vieille Auberge » (actuellement auberge du Cheval Blanc). Les danses du pays lui sont présentées après une grand-messe à Saint-André. Avant son départ, le lendemain pour Saint-Palais, elle se dira enchantée de l’accueil et le peuple déçu du départ de « Si belle et spirituelle Majesté. Il est vrai qu’elle devait être charmeuse : le grand Frédéric de Prusse la dépeignait ainsi ! « Fière, opiniâtre, fine, vivace et très bonne. »
Décembre 1725 : cruelle désillusion. – Cinq compagnies du régiment « Duc de Richelieu », passeront par Sauveterre, seront nourries par les jurats et la population et logées chez l’habitant. Soulagement de courte durée : si les fameuses compagnies annoncées ne firent que traverser la ville « sans tambour ni trompette, las… leur mission remplie, les hommes de troupe revinrent sur la ville, mais… la nuit ! Et en plus de la dépense initialement prévue, il fallut y ajouter celle de très nombreuses chandelles pour les éclairer !
22 Août 1729 : main d’œuvre peu coûteuse. – Dépense enregistrée : 6 sous, deux bouteilles de vin et un pain aux métayers du Bucq et du Blau, qui ont conduit une charrette de tuiles de la tuilerie du Mine jusqu’à l’église « pour en boucher les trous du toit ».
Sud-ouest 30/03/87
Promesses non tenues, impôts alourdis, inflation (ce n’est pas l’apanage de notre siècle, mais aussi amorces d’esprit social et de solidarité pour les plus démunis… Telle fut la fin de ce XVIIIe siècle, où bouillonnait l’esprit de révolte qui devait se concrétiser un certain 14 juillet, à Paris.
En 1732 : déjà la « vignette » était reconduite. – Les habitants de la ville sont excédés par de trop lourdes et nombreuses impositions. Outre la dîme, qu’on en juge : la capitation, le tailluquet, la taille, la ferme, la ferme de pontage, la gabelle – car cette taxe est également exigée malgré un privilège accordé à Salies (source du sel du Bayaa) et à Sauveterre (source de sel d’Oraàs). Les montants sont exagérés – dit la chronique- et, de plus, les « contributions exceptionnelles » - style vignette Ramadier pour les vieux- annuellement reconduites de par la volonté du lieutenant du Roy.
Mars 1734 : le marteau n’était pas solide ! – La grosse cloche de l’église Saint-André est refondue sous la halle. Le sieur Pistoulet, forgeron, demande un dédommagement de 50 sols car, ayant fourni un marteau pour briser la cloche avant la refonte, celui-ci fut brisé. Les jurats lui octroient 30 sols. Cette cloche (le gros bourdon de Saint-André) est toujours en service.
Juillet 1734 : rubrique des faits divers. - Pierre Toulouse cabaretier, reçoit une contravention de 3 livres car « il a mis de l’eau dans son vin ». Le même mois, la ville achète une veste et une culotte pour Jean-François, valet de ville, et lui paie ses gages de l’année (37 livres). Il lui est octroyé une prime exceptionnelle de 20 sols pour avoir « porté le flambeau » à l’occasion de la Saint-Jean. On vote 3 livres afin d’acheter un énorme fromage que l’on offrira à M. Days (le grand argentier du Roy) « pour des raisons connues ! ». De fait les jurats de Sauveterre savaient, par de petites attentions se ménager… l’amitié des puissants (ce que l’on appellerait de nos jours, corruption de fonctionnaires) car l’impôt de capitaine fut réduit de 60 livres par M. Days, « en raison de la grêle ». Ce qui valait bien un fromage, sans doute !
22 juin 1742 : coût notarial modeste. – Crosse de quittance : « En faveur de Lassalle-Saint-Pau, intendant de messire Jean, marquis de Gassion, lieutenant général des armées du roy, il a été versé la somme de 399,15 F, pour règlement des grains et fermes du moulin de Sauveterre, appartenant à messire de Gassion. Versement effectué en pièces – que nous avons comptées – par Bernard de Herré, du lieu-dit Autevielle, fermier dudit moulin. Enregistré cette crosse pour le règlement de 2 sols, par nous-même, Darridole, notaire royal à Sauveterre. (Ce Bernard de Herré est l’ancêtre direct de M. Pierre Heugas-Darraspen actuel maire d’Autevielle-Saint-Martin.)
1775 : déjà des promesses non tenues. – Une épidémie de peste bovine dévaste le pays. L’état des bestiaux morts dans la sénéchaussée de Sauveterre est le suivant : 2847 bœufs, 3521 vaches, 1628 veaux. Soit, après estimation une perte de 522 113 livres. Les paysans, réunis à Sauveterre à l’occasion de la foire traditionnelle de septembre, protestent violemment car on ne leur promet le remboursement que… du tiers de cette somme ! En fait, ce ne furent que fallacieuses promesses des pouvoirs publics, car cinq ans après, le 12 Juillet 1780, une manifestation (dispersée par les gens d’armes) précise que nulle indemnité ne leur avait été versée !
Août 1785 : sécurité sociale à Sauveterre. – Le sieur Lamy, « maître en chirurgie » est invité à venir à Sauveterre exercer son art. La ville lui versera une indemnité de 150 livres par an. Seuls, les bourgeois et seigneurs « ayant de l’aisance » devront rétribuer ses services.
Septembre 1789 : la peur du gendarme. – Le peuple est mécontent de la municipalité et de son Maire M. de Barbaste. Elle ne fait rien pour empêcher les hausses continuelles du pain et du milhoc (maïs). Les bourgeois renversent les édiles et en élisent de nouveaux. M. de Casamajor, avocat et nouveau maire s’empresse de taxer la livre de pain blanc à 3 sols 6 deniers, et le pain bis à 3 sols. Mais le Parlement de Navarre ne reconnaît pas cette nouvelle municipalité. Cette décision irrite les gens, un vent de révolte souffle (comme sur toute la France d’ailleurs)/ L’intendant de Boucheporn dirige sur Sauveterre les gendarmes de Pau, Saint-Jean-Pied-de-Port, Aire, Saint-Palais, Orthez et Oloron, afin de rétablir l’ordre. Le 23 septembre, toute la population est rassemblée dans la cour du cloître. Les troupes de gendarmerie ont pris position tout autour. Les Sauveterriens encore intimidés - ils le seront moins quelques mois plus tard – écoutent la lecture de l’arrêt du Parlement de Navarre et accordent, sous la peur du gendarme, leur confiance à l’ancienne municipalité, et… acclament M. de Barbaste.
1789.- Le peuple parisien a pris la Bastille. La Révolution enthousiasme, sublime les esprits, mais les Sauveterriens, en bons Béarnais, gardent la tête froide et savent éviter avec la finesse légendaire de notre race, de prêter main forte aux excès qui leur sont ordonnés par le tout puissant Comité de Salut Public de Pau. C’est la fin du XVIII è siècle, notre balade se poursuit en cette époque tourmentée.
Décembre 1789 : belle et utile réalisation. – La « route neuve » de Salies à Sauveterre est enfin terminée. C’est une très belle réalisation du sieur Desfirmins, ingénieur en chef des communications. Au terme de ces travaux -qui ont duré six ans-, les Sauveterriens pourront se rendre aisément dans la cité du sel et commercer avec leurs voisins salisiens. « La route ne sera plus coupée tous les ans par les éboulements. » Hélas, les glissements de terrain devaient se poursuivre et n’être définitivement stabilisés sur cette voie que cette dernière décennie, près de deux cents ans après (1970-1980)
27 janvier 1790 : certains tiraient les ficelles. - Les officiers municipaux s’installent au cloître des Carmes, afin d’y tenir leurs assemblées. Cela suscite une vive effervescence, suivie d’une manifestation, car si le peuple a bondi avec joie dans le mouvement révolutionnaire, il n’en resta pas moins traditionnellement croyant et conserve un respect certains pour la religion. Devant la pression populaire, la municipalité promet de regagner l’hôtel de ville pour ses réunions. Des influences virulentes extérieures l’en empêcheront, dont celle de M. de Saint-Paul, maire d’Autevielle et vénérable d’une loge maçonnique. Il avait d’ailleurs transformé son nom en celui de Sempau, mais à l’avènement de l’empire, reprendra sa particule et le Saint de son nom originel.
9 février 1790 : la mitre détrônée par Déesse Raison. – La municipalité n’a donc pas tenu sa promesse et par le tambour de ville, convoque tous les citoyens valides à se rendre à 8h à l’église des Carmes pour l’élection d’un « complément » d’officiers municipaux. Afin d’atténuer la réaction du peuple, les convocations sont contresignées… du prieur des Carmes ! Celui-ci s’est effectivement défroqué, est entré dans le mouvement révolutionnaire et siège dans son église, au pied de l’autel, en compagnie d’acharnés sans-culotte, venus de l’extérieur renforcer les édiles qui sont soupçonnés de « tiédeur révolutionnaire », non sans raison d’ailleurs.
23 mai 1790 : secret béarnais. - Le Comité de Salut Public de Pau demande l’arrestation immédiate des « suspects ». On en dresse la liste dans une réunion secrète. Puis, discrètement, les membres locaux du Comité font savoir aux ci-devant nobles et … au curé de Sauveterre qu’ils pourraient disparaître pendant quelque temps.
24 mai 1790 : le dernier des troubadours. – Le brave abbé Lavigne, curé-doyen de Sauveterre, a donc été prévenu par les « redoutables » sans-culotte locaux qu’il lui fallait fuir. Le vieux prêtre déguisé, n’ayant pour toute fortune que son bréviaire et son violon, prit la route d’Espagne. Il jouait de son instrument dans les villages traversés, logeant dans les fermes isolées. Les gardes rencontrés lui demandaient un air, il s’exécutait aussitôt et parmi ceux-ci, pas un ne s’avisait de demander ses papiers à ce violoneux. Sa musique les enchantait car « il jouait admirablement de son instrument » et c’est ainsi qu’à petites étapes, il réussit à gagner l’Espagne. L’historien du Béarn, l’abbé Lartigau, nous indique qu’en souvenir de cet ecclésiastique, un violon en plâtre est moulé au-dessus de la porte de la salle à manger de l’ancien presbytère de la ville.
4 octobre 1790 : l’amorce du Marché commun. – Les différences entre provinces, sensibilisés par des droits de péage ou autres gênes de circulation selon d’antiques pratiques, sont supprimées par décret. L’enthousiasme est grand car dès ce 4 octobre, les régions de Navarre, de Béarn et le pays des Basques, ne formeront qu’une seule entité, appelée « département » et, fierté béarnaise, le chef-lieu en sera la ville de Pau !
1793. – La Révolution bat son plein et c’est la terreur. Mis on peut voir que les « Ci-devant » locaux ont la chance de vivre au milieu de paisibles béarnais, s’ingéniant à leur éviter la prison, voire la guillotine. Les alertes se succèderont, la rouerie fera son œuvre, bientôt ce sera le XIXe siècle, et… l’Empire.
7 Novembre 1793 : d’excellents prétextes. - Le comité de salut public de Pau enrage : il sait que certains nobles n’ont point fui, exige leur arrestation immédiate et leur transfert sous bonne escorte dans les prisons paloises. Les Sauveterriens vont s’exécuter, mais avec finesse béarnaise, ainsi que nous l’indiquent les procès -verbaux que voici : « Nolivos, veuf, sans enfant, ci-devant Comte. Arrêté le 8 novembre : faisait des rassemblements d’aristocrates, royaliste lui-même et suspect, organisateur de repas de première classe, en espérant les revenants ! Il sera détenu… Chez lui, par une garde. Motif : est d’un âge certain et a des infirmités (!) Nolivos Pierre, neveu du susnommé, froid aux idées nouvelles, parent d’émigrés, royaliste. Arrêté le 8 novembre, sera interné dans la maison de son oncle. Motif : est marié, a quatre enfants, dont un de l’âge de 6 ans ; de plus, il est malade (!).
Bernard, ci-devant de Sillègue, ne peut être arrêté : comme il a solennellement juré vouer une haine éternelle aux tyrans, nous l’avons, ce jour, nommé… sergent de ville( !) afin de faire respecter l’ordre républicain et le droit d’infliger les amendes aux mauvais citoyens ( !).
Le comité de salut public exige la livraison, afin de les châtier, des traitres, les ci-devant d’Abbadie, de Coulomme, de Casamajor. Ils sont arrêtés, non incarcérés mais logés à la belle maison jouxtant la mairie ; « Apparemment ils sont conquis aux idées nouvelles, et, avant de les conduire à Pau, nous avons besoin d’une longue enquête » ( !).
4 Brumaire an IV : Adieu saumons. – Deux officiers sont venus à l’aube de Bayonne. Ils menacent les édiles des pires représailles car, malgré les ordres, la nasse (barrage de pêcherie) sur le gave, au pied de la ville n’a pas été détruite. Il faut que les arbres abattus en haute montagne pour les besoins des navires de la République, puissent descendre jusqu’à Bayonne. Cette fois-ci, on ne peut finasser : les charpentiers et menuisiers de la ville, sont réquisitionnés et le même jour, plongés dans l’eau très froide, démolissent l’ouvrage. Les cabaretiers ont été « invités » à porter aux travailleurs 40 pintes de vin et s’exécutent, la rage au cœur.
14 Germinal, an IV : aux urnes citoyens. – Des élections se déroulent ce jour. Le soir, on en annule les résultats et elles sont renvoyées à une date ultérieure, par un manque éloquent de civilisation : il ne s’est présenté que 25 votants ! Cette « trahison patriotique » est stigmatisée dans le procès-verbal et des amendes envisagées contre les abstentionnistes du … prochain tour !
8 Nivôse an VIII : il suffisait d’y penser. – Pour améliorer le budget communal, il est acheté bon nombre de porcelets, lesquels, une fois engraissés dans les pacages de la ville seront revendus avec profit. Nous notons : « La garde et l’entretien du troupeau ont été à l’unanimité, confiés à la citoyenne Castries, car elle est courageuse, vaillante et cette distinction nous permet d’honorer son fervent patriotisme ( !). Comme gages, elle touchera, lorsque les cochons seront revendus, 30 sols par tête…
26 Messidor, an VIII : le « Te Deum » n’a pas été oublié. – Le Chroniqueur relate : « Hier a été fête glorieuse en l’honneur du succès de nos armées face aux tyrans et à leurs valets. Elle a débuté le matin par une proclamation et sonneries de cloches et trompettes. A 10 heures, le maire escorté des conseillers et du juge de paix, précédé des gendarmes et de leur officier, s’est rendu à l’église : devant l’hôtel de la Patrie, il a retracé dans un discours d’une haute élévation, les énormes bienfaits apportés par la révolution et l’ordre nouveau. Puis tous ont chanté « Te Deum » en actions de grâces, afin de remercier le créateur, des victoires françaises. Un grand banquet républicain sous la halle neuve, et un grand bal ont dignement clos la fête… »
L’empire est là et se concrétisera bientôt dans le rêve d’un homme. Le peuple sera fanatisé, quelques années après, il y aura le revers de la médaille… avec son cortège de peines et de misères. Jusqu’en 1813, Sauveterre vivra dans la gloire du soleil d’Austerlitz mais l’enthousiasme déclinera peu à peu.
An X : la ville est riche. – Oreyte, de l’autre côté du gave a été réuni à Sauveterre, afin de former une seule ville. Le regroupement totalise 1 575 âmes. La consommation de l’année a été de 666 hectolitres de vin, 200 têtes de vaches et de bœufs, 60 veaux, 120 moutons, 428 agneaux… et 680 porcs (enregistré par l’octroi aux entrées de la ville. Ces octrois ont rapporté la magnifique somme de 2800 francs pour l’année, et comme le citoyen vicaire Casteigts est officiellement autorisé à exercer le culte, la municipalité est prise de générosité pour « le service de la vraie foi ». On vote la réparation de l’église, du presbytère (que l’on meublera ensuite) la construction d’une sacristie, 30 francs pour la plantation d’arbres autour de l’église et… 50 francs pour aider le nouveau citoyen-curé.
29 thermidor, an X : Napoléon s’affirme – Le peuple est convoqué par le tambour public place Royale, pour une proclamation du premier consul à vie, Napoléon Bonaparte. Elle proclame le sénatus-consulte qui, par les actes du gouvernement du 17 thermidor, indique que les maires seront personnellement nommés par le premier consul pour une durée de cinq ans et que pour la formation du corps législatif, le peuple élira deux députés par département (A l’heure actuelle nous en avons un peu plus !)
Année 1804 : une sacrée fête ! – Napoléon est empereur et s’est fait sacrer par le pape à Paris : de grandes fêtes sont ordonnées et le Conseil municipal décide trois jours et nuits de réjouissances. Ce ne fut pas suffisant. D’un commun accord, la population continua à danser et à festoyer la semaine entière, aux notes joyeuses de quatre orchestres de violoneux, jouant place du Pont du Pont de montagne, sous la halle neuve, « plaçotte » du Cheval Blanc et au « Bourguet dé Pannécau ». La municipalité, par « fervent patriotisme et reconnaissance éternelle à Sa Majesté impériale » ( !) prit tous les frais à sa charge.
1er avril 1806 : ce n’était pas un poisson (d’avril) mais il savait nager… -Selon le décret impérial, Jean-Baptiste Edouard de Nays est nommé maire de Sauveterre pour une durée de cinq ans, ainsi que le veut la loi, pas plus. Or, en 1811, son mandat est renouvelé par le préfet « pour sa fidélité et le dévouement manifesté envers l’empereur ». En 1814, devenant un parfait collaborateur (comme aux années noires que nous en avons connues), il accueille avec obséquiosité le maréchal-duc de Wellington et les troupes anglaises d’occupation, puis opère une habile volte-face en 1815, au retour de l’empereur de l’île d’Elbe : il fait en effet signer un manifeste, jurant fidélité à l’empereur, par tous ses conseillers municipaux, et omet de le signer lui-même ! Cela lui permettra de rester maire au rétablissement de la monarchie, et il le sera jusqu’en 1830, soit vingt-quatre années consécutives.
25 mai 1806 : le silence est d’argent ! – Rixe au café de la rue d’Aspis. Les gendarmes accourus arrêtent un grenadier permissionnaire du nom de Carsuzaa. Il évite ainsi de peu d’être massacré par des clients indignés, car il a eu l’impudence de déclarer que « l’empereur était le plus mal habillé de toutes les troupes ! ». Le 26 mai ce « mauvais soldat » est conduit à Pau entre deux gendarmes à cheval. Nous ignorons quel fût son sort.
2 décembre 1806 : le soleil d’Austerlitz, la neige de Sauveterre. – Une fête est organisée, car il y a un an jour pour jour que l’empereur a remporté la grande victoire d’Austerlitz, après celle d’Ulm et la prise de Vienne. « Te Deum » à l’église, nombreux fûts de vin de Salies mis en perce, payés par la ville, et grand bal après « l’Angélus » du soir sur la place. De fait, il neige à gros flocons, mais il faut participer « à la joie patriotique » ! Alors on alluma de grands feux autour de la place et, dit le chroniqueur, « l’enthousiasme était tel pour le génie guidant la France que malgré la neige aveuglante et épaisse, les gens chantèrent et dansèrent… toute la nuit ! »
1807-1811 : les années de gloire – Nous relevons ces rubriques ô combien évocatrices et pourtant le désastre n’est pas loin.
1807- Nos bons concitoyens vivent un rêve merveilleux. Ils sont fiers d’être français. Une grande fête ordonnée par le préfet les a remplis d’allégresse car on a écrasé les Russes. (la bataille de Friedland)
1808 – « Sauveterre a vécu trois semaines magnifiques avec le passage des beaux régiments et de leurs belles musiques, qui allaient conquérir l’Espagne. La ville avait préparé une grande réception pour l’empereur, hélas il est passé par ailleurs mais peut-être au retour aurons nous le bonheur ineffable de l’accueillir ».
1811- Le canon a été tiré sur l’esplanade, vers le gave, pour annoncer la naissance du fils de l’empereur. Les gens boivent, chantent et dansent pour honorer ce merveilleux événement. Nous avons cent trente départements. Quelle gloire d’être français, dignes maîtres de l’Europe !...
1813 La gloire de l’Empire se ternit. Amertume, malheurs, honte de la défaite. Fragiles espoirs éphémères succès auxquels succéderont l’assaut de la ville et l’occupation anglaise. La guerre, avec son cortège d’horreurs est là sur notre sol.
1813 : Mourir pour la patrie.- La halle municipale a été transformée en hôpital militaire. Les convois de blessés de la guerre d’Espagne se succèdent. « Ils disent des chose terribles sur ce qu’ils ont vécu, beaucoup meurent dans d’atroces souffrances ». Le chroniqueur ajoute : « à tour de rôle, les familles de la ville sont frappées par le deuil : aujourd’hui un courrier a apporté la nouvelle de la mort de Jean de Laroche, fils de Jeanne de Nolivos lieutenant-colonel et de son neveu Paulin de Nolivos, qui récemment avait été décoré par l’empereur et n’avait que 18 ans. Tombés au champ d’honneur de la bataille de Leipzig ».
9 février 1814 : l’angoisse. – Le maréchal Soult, replié d’Espagne, a établi son quartier général à Sauveterre, et s’est installé avec son état-major à la maison de M. de Nays (actuelle mairie). Le 16 février le maréchal de Wellington, prend Saint Palais le 17 la brigade française « Paris » est écrasée à Rivareyte à 3 km de Sauveterre. L’ennemi s’empare du pont d’Osserain, les avant-postes français se sont repliés sur la ville sur laquelle tonnent les boulets. La guerre est là avec son horreur ses ruines et destructions.
17 février : optimisme mal venu. – Ce jour le maréchal Soult écrit au ministre de la guerre « je vais me maintenir su le gave d’Oloron et tenir Sauveterre ». Mais le 18, la division anglaise « Picton » a pris Oreyte et levé une redoute de troncs d’arbres sur la propriété Pelote, au bout du pont sur le Gave et avec 12 pièces d’artillerie le prend en enfilade et bombarde la ville. Les habitants qui depuis quelques jours sont volés et pillés par les troupes françaises en retraite, se réfugient dans les caves où fuient sur les coteaux de Lasbordes. Le 24 février les canons se taisent, on voit les uniformes rouges des anglais dans la plaine vaquant à de paisibles occupations comme toute troupe au repos. L’ennemi a-t’il renoncé ? Vain espoir…
25 février : la bataille de Sauveterre. – Au son des cornemuses, les Anglais traversent le gave à gué, malgré l’eau glacée, et débouchent au bas de la ville dans la plaine Saint-Marc. Les espions ont adroitement fait savoir à l‘ennemi que Soult ne se gardait point de ce côté-là et pouvait être pris à revers. De fait, une muraille de un mètre de hauteur borne la plaine sur sa longueur et derrière… sont cachées les unités du 119e de ligne. Quand les Anglais sont assez avancés à découvert, les Français bondissent en rugissant, c’est le corps à corps impitoyable, des charges impétueuses successives, et, peu à peu, l’assaillant est rejeté dans le gave. La bataille est gagnée : « L’ennemi a laissé 500 morts sur le terrain, a eu une centaine de noyés et nous avons fait 85 prisonniers », note le maréchal Soult. La population ne fête pas ce succès… et à raison. Car le lendemain, on parlera « anglais » dans la ville !
1814- Les occupants anglais de Wellington ont été reçus à bras ouverts. Cela peut paraitre surprenant, mais les documents nous montrent comment la population, pillée, a été exaspérée des exactions des troupes françaises en repli. Les Anglais sont si gentils et corrects… On constatera la fragilité des convictions humaines.
Popel
26 février 1814 : la main tendue. – Dans la nuit, le général Vilate a fait sauter une arche du pont et toutes les troupes françaises quittent la ville se repliant sur Orthez. Le génie anglais rétablit en deux heures un passage de bois et l’ennemi entre comme dans un moulin dans la cité, fanfares en tête, occupant immédiatement tous les points stratégiques. A 12 heures le général Picton est solennellement reçu par le Maire, M. de Nays, entouré de son conseil municipal. Puis c’est l’arrivée du maréchal-duc de Wellington. Une fastueuse soirée est organisée en son honneur. Il est flatté et accepte la chaleureuse invitation du maire à séjourner en son château. Une relation anglaise nous indique : « C’est de Sauveterre, à l’accueil très chaleureux, que le maréchal dicta le plan de la bataille d’Orthez qui fut remportée par son génie et le courage de ses troupes, à la suite de laquelle l’armée française effectua l’une des plus belles retraites que l’on puisse citer.
28 février 1814 : pillards comme en pays conquis. - Les Sauveterriens sont peu enclins à résister à l’envahisseur. L’essentielle raison en est confirmée par une lettre de ce jour adressée par le sous-préfet d’Orthez au préfet de Pau (alors qu’au même moment se déroule la bataille dite « d’Orthez »). « Nos troupes se sont très mal comportées avant d’évacuer Sauveterre. On me rapporte ces exactions : les soldats dans cette ville ont bu et versé à terre cinq barriques de vin chez le Sieur Labourdette, ont volé au Sieur Pierre Rachacq, trente-quatre bœufs, ont réquisitionné sans justificatifs 5220 kilos de viande et surtout, sous les pires menaces, pressuré la population : MM. Prat, Barbaste, Berdigue, Majourau ont été taxés à 50 francs, tous les commerçants sous peine de destruction immédiate de leurs biens ont dû verser 30 francs et bien des habitants, leurs provisions saisies ont dû verser des sommes inférieures . Un des responsables, capitaine du 15e chasseurs a été arrêté. Mais les autres ? D’autant plus que les cinquante grenadiers mis à la disposition du juge de paix, le Sieur Berdigue, sur plainte de ce dernier pour protéger la population, se sont mis eux aussi à piller. Vous comprenez Monsieur le Préfet que cette politique est peu faite à encourager, malgré les exhortations du général Harispe, les habitants à résister à l’ennemi… »
12 Mars 1814 : « I love you ! » - « Les Anglais paient libéralement tout ce qu’ils achètent et se plaisent en Béarn » note le chroniqueur (c’est vrai, beaucoup reviendront mais en civil cette fois, s’installer dans la région, faisant notamment « Pau, ville Anglaise »). Wellington exige que les troupes alliées espagnoles du général Mina ne cantonnent point en ville, les « Hidalgos » se conduisant très mal également. Ils sont transférés dans la plaine, en bas de la côte entre Salies et Sauveterre, qui plus tard, conservera le nom « côte de Mina ». Ils voleront et rançonneront toute la campagne alentour… Les Français ont fait école !
25 Mars 1814 : reconstruire la ville – Le maréchal-duc de Wellington institue un droit de « pontage », afin que la ville puisse réparer les ruines occasionnées par la bataille. Il est ainsi fixé : un sol par personne, deux par cavalier, quatre par charrette attelée de bœufs, six par celle attelée de chevaux et un sol par tête de bétail. Bien entendu les alliés sont exemptés de ce droit, et de plus le Feld-Maréchal, signe l’instauration de l’octroi suivant : 10 francs pour chaque barrique de vin vendue par les cabaretiers et 6 francs pour chaque tête de bétail débitée par les bouchers.
23 Octobre 1814 : un serment solennel. – « Je jure et promets à Dieu, de garder obéissance et fidélité au roi, de n’avoir aucune intelligence, de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue qui serait contraire à son autorité. Et si dans l’exercice de mes fonctions ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose à son préjudice, je le ferai savoir au roi… »
1822 : Eternel recommencement de l’histoire… - Comme tous les régimes, le nouvel état royaliste impose sa loi, celle du fortuné et du noble, avec sectarisme, faisant fi des inégalités engendrées. Les dédommagements dus seront détournés. La première école publique naîtra en 1823. Notre balade se poursuit.
15 Janvier 1822 : Le peuple n’était pas souverain - Le Préfet, « en tournée » après avoir fait jurer « fidélité au roy, obéissance à la charte constitutionnelle et aux lois du royaume » désigne un de ses amis, le sieur Jean Casadavant, notaire, maire-adjoint de la ville. Pour contenter le peuple, il ordonne aux édiles une dépense imprévue et importante, 250 Francs, pour une fête en l’honneur du baptême de son Altesse Royale, le Duc de Bordeaux. La population, notamment les commerçants, fit grise mine –ainsi que l’indique le chroniqueur- sachant trop bien qui payerait, tôt ou tard, cet « amusement du peuple ! »
31 Mars 1822 : Les grandes manœuvres - Un bon de réquisition ordonne la remise aux troupes du roi en manœuvres, par la ville, de 7 voitures à 4 colliers avec chevaux, une à deux colliers et chevaux, deux à 3 colliers, 5 à 1 collier, et toujours chevaux, plus un cheval de selle. On doit s’exécuter. La ville sera remboursée… aux calendes grecques !
6 juillet 1822 : Générosité de l’état : On n’est pas d’accord ! - La préfecture indique l’envoi de la somme de 271,90 Francs « en dédommagement du passage des troupes du Maréchal Soult en 1814 ». Le préfet ajoute : « Les autorités de l’état souhaitent que cette somme soit destinée à réparer et embellir l’église ». Alors, on n’est pas d’accord : cette somme ne représente qu’une faible part des spoliations de l’armée française en déroute. En bon Béarnais, on prend quand même l’argent, tout en précisant au Préfet : « Le sieur Barbaste est Catholique ; les sieurs Berdigue, Majourau, Prat, Isabelline, Laborde et Prué, pratiquent la religion réformée. Or ils furent parmi les plus taxés en argent lors du passage des troupes. Comme il serait profondément injuste et contraire à l’esprit de liberté d’attribuer cette somme à l’église, le Conseil Municipal, Unanime, leur a versé avec cet argent, ainsi qu’aux autres victimes, un petit acompte sur la somme « empruntée ». Devant le fait accompli, le préfet ne put que s’incliner !
20 Juillet 1822 : Le courrier n’était pas distribué à domicile ! - Le service des Postes demande quel est le lieu de poste en lequel la ville de Sauveterre préfèrerait recevoir son courrier et aller l’y quérir régulièrement. La population consultée refuse Puyoo (où il y avait un relais de poste) et opte à la majorité pour Orthez : « Il convient mieux de recevoir la correspondance en cette ville, qui est notre chef-lieu d’arrondissement ».
5 Mars 1823 : Vain espoir - On sait qu’en 1814, les Français en retraite avaient « réquisitionné » force bestiaux dans la région. Or, ce jour, il est fait une proposition à la ville : le Sieur Laborde, avoué à Pau, propose de réunir toutes les créances et bons de réquisition, dont le total accuse 2 546,00 Francs, et d’en faire poursuivre l’effet sur les munitionnaires de l’Intendance, moyennant, le procès gagné, une rétribution de 3,90 %. La ville accepte avec enthousiasme comme l’on s’en doute ! C’est l’armée ou l’état, comme l’on voudra, qui est acquitté de cette dette ». Dommages occasionnés par l’intérêt supérieur du pays ! », et le sieur Laborde en sera pour ses frais…
26 Juillet 1823 : La première école publique - Il y a à Sauveterre deux écoles privées, une Catholique, l’autre Protestante, peu fréquentées, sinon par les fils de familles aisées, la majorité des enfants étant placés en apprentissage dès l’âge de 10 ans, et leurs parents ne pouvant –tous pauvres- participer aux frais. Or le Sieur Capdeboscq, natif d’Araujuzon, muni d’un brevet de capacité de troisième degré, est autorisé à ouvrir à Sauveterre, en qualité d’instituteur communal, une école primaire. Elle sera ouverte à tous ceux qui le désireront. Le recteur de l’académie fait la proposition, et la ville accepte de trouver un local et de payer l’instituteur… La première école publique est née !
Cinquante ans de paix relative vont s’écouler jusqu’à la guerre de 1870. Comme dans toute petite ville de province qui se respecte, la monotonie quotidienne de surface ne sera qu’apparente, intrigues et rivalités continueront à se livrer libre cours. La Balade continue doucement vers notre XXème siècle.
25 Août 1823 : Adieu la belle, je reviendrai… Six ans après ! - Jean HAYET, Fusilier au 64ème de ligne, a fini son régiment. Il dépose ce jour en mairie sa libération réglementaire, et cette pièce, signée de son général et de l’Intendant militaire, atteste qu’il est bien entré à l’armée le 15 Juillet 1717, pour être libéré de « son obligation active » le 15 juillet 1823. Le service militaire était donc de six années consécutives.
12 Avril 1824 : Remous municipaux… - On délibère sérieusement sur une affaire grave : malgré l’interdiction qui lui en avait été faite, le sieur Laborde a bâti en s’appuyant sur le pont de la ville appelé « Claqueplaa ». La ville fermerait bien les yeux, mais des voisins jaloux ont alerté directement le préfet. Et ce dernier ordonne à la ville de faire immédiatement démolir la maison. On tergiverse devant cette solution capitale, et le maire intentera un procès au sieur Laborde… on verra bien la suite ! D’autre part, le sieur Heugas, greffier, qui « ayant prêté serment au roi » est nommé Conseiller Municipal par le préfet, est difficilement accepté par ses collègues car il remplace le conseiller Monpribat, « démissionné » par le préfet, pour sa pensée Bonapartiste. Aux conseillers indignés, le maire demande de faire bonne figure devant la décision préfectorale, dans « l’intérêt supérieur de la ville ».
1824 : Le maître d’école chichement payé ! - L’école publique fonctionne donc depuis un an. Le sieur Capdeboscq, maître d’école, perçoit de la ville comme rétribution annuelle 70 Francs (moins que le garde champêtre, 100 Francs). Il perçoit en outre une indemnité de 60 Francs pour payer le loyer de son habitation et de la pièce servant de classe. Le maire touche une indemnité de 100 Francs et 47,80 Francs pour payer les registres et frais de bureau de la mairie.
1825 : Rien de changé sous le soleil Le Préfet invite la ville à verser dans les caisses de l’état le tiers du revenu de l’octroi : « Le mouvement des troupes fait marcher le commerce, lequel enrichit la ville, c’est donc un devoir de solidarité nationale auquel la municipalité sera heureuse de s’associer ! » La réaction sera véhémente : on en appellera au ministre, au général, à diverses autorités civiles et même jusqu’à l’évêque ! Les vieux documents sont exhumés, déprédations des troupes en 1814, factures impayées, dont un bon de 500 Francs de fournitures de paille et ravitaillement à l’intendance, les réquisitions lors de la retraite d’Espagne. « les autorités suprêmes sont priées de décharger la ville de Sauveterre, pour le présent et l’avenir de cette prétention exorbitante ! L’avantage apporté par le passage des troupes est nié par les faits ! »
Novembre 1825 : Le mirage revient En 1823, l’avoué palois Laborde, avait, moyennant pourcentage, essayé en estant en justice, de récupérer les dettes de l’état envers la ville et… perdu le procès. Et voici que le sieur Raymond Boutoy, avocat à Paris, se fait fort d’obtenir, lui, par de puissantes relations, le recouvrement des créances dues par l’armée à Sauveterre (toujours les dettes de 1814). Il en gardera le quart, il est quasiment impossible qu’un procès bien construit soit perdu, si c’était le cas, la ville lui rembourserait les frais occasionnés par l’action. Il se montra tellement convainquant que le bon peuple sauveterrien, plein d’enthousiasme, accepta d’être dupé à nouveau. Car le procès fut à nouveau perdu et la ville dut payer les frais !
Décembre 1825 : Justice rendue - Il est de notoriété publique que le Pasteur protestant rend d’immenses services, sur de nombreuses communes qu’il dessert. Mais la ville a obtenu satisfaction, le Ministre de l’Intérieur oblige ces communes à participer financièrement pour compléter l’effort de Sauveterre et que le pasteur soit convenablement indemnisé.
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Commentaires
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- 1. Jean Trouilh Le 01 mars 2022
Superbe retour sur notre histoire locale. Popel était un amoureux de sa ville et à l'époque, une page entière y était consacrée dans le journal Sud Ouest
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